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■ Eine Krone von Veilchen
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2010-06-05 | [Text in der Originalsprache: francais] | Veröffentlicht von Guy Rancourt
N’as-tu pas senti la force de mes négations ? La tension qui arquait les articulations de mon être ? Mes plaies ne t’ont-elles pas brûlé pour avoir prédit ma fin ? N’as-tu pas compris que tu m’as permis d’être fort, que tu as été mon rempart contre le rien ? Pourquoi me chuchoter à l’oreille de tout quitter, quand je me suis déjà attaché grâce à toi aux apparences de la nature ? Je ne t’ai pas demandé de me prendre en pitié, mais de me donner la force de maudire et l’éclair d’espérer.
Et toi, ne m’as-tu pas enseigné que le mépris devait avoir l’amplitude de l’amour ? Mépris hautain, solitude, telle est ta loi ; un sommet dans le mépris, sommet atteint par ton amour. Car on doit d’abord bâtir un monde sur l’amour avant de s’autoriser à le regarder de haut. Et ne m’as-tu pas conseillé de regarder ainsi vers lui pour retirer à la douleur son identité et à la défaite son obscurité ? Ne m’as-tu pas palpé, n’as-tu pas baisé mes plaies, solitude, ces plaies qui parlent de résurrection ? J’ai senti tes caresses, quand ma voix brisée, amère et triste, t’a murmuré : je suis un univers de regrets. Pourquoi toi, qui ne pardonnes rien, as-tu toléré la faiblesse d’un tel aveu ? Que mes os soient brisés, que ma langue soit clouée, que mon regard me soit ravi. Car je ne veux pas être en être, ce que je ne suis pas en pensée. Et, chaque fois que mes pensées m’ont abandonné, chaque fois, je n’ai pas été en pensée. Inspire à mes pensées la fraternité de la vie et fait qu’elle se souvienne de moi dans les grandes heures. Mais ne me console pas quand je suis faible, las et abattu. Je te veux alors sévère, méchante, implacable. Brûle-moi la plante des pieds quand je veux ensevelir mon esprit et transperce mon âme quand elle est tiède. Lacère ma chair quand elle se berce dans l’oubli et rend mes larmes brûlantes comme le poison. À toi, je confie mon âme, solitude, et dans tes entrailles, je veux que tu t’enterres. (E. M. Cioran, Le livre des leurres, 1936)
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