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■ Eine Krone von Veilchen
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2010-06-04 | [Text in der Originalsprache: francais] | Veröffentlicht von Guy Rancourt
Comment avoir des idéaux quand il existe, sur cette terre, des sourds, des aveugles ou des fous ? Comment pourrais-je me réjouir du jour qu’un autre ne peut voir, ou du son qu’il ne peut entendre ? Je me sens responsable des ténèbres de tous et me considère comme un voleur de lumière. N’avons-nous pas, en effet, dérobé le jour à ceux qui ne voient pas et le son à ceux qui n’entendent pas ? Notre lucidité n’est-elle pas coupable des ténèbres des fous ? Sans savoir pourquoi, lorsque je pense à ces choses je perds tout courage et toute volonté ; la pensée m’apparaît inutile, et vaine la compassion. Je ne me sens pas suffisamment normal pour compatir au malheur de qui que ce soit. La compassion est une marque de superficialité : les destins brisés et les malheurs irrémédiables vous poussent soit au hurlement, soit à l’inertie permanente. La pitié et la commisération sont aussi inefficaces qu’insultantes. De plus, comment compatir au malheur d’autrui lorsqu’on souffre infiniment soi-même ? La compassion n’engage à rien, d’où sa fréquence. Nul n’est jamais mort ici-bas de la souffrance d’autrui. Quant à celui qui a prétendu mourir pour nous, il n’est pas mort : il a été mis à mort.
(E. M. Cioran, Sur les cimes du désespoir, 1934)
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