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Mort d’amour
gedicht [ ]

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von [Federico_Garcia-Lorca ]

2011-02-16  | [Text in der Originalsprache: francais]    |  Veröffentlicht von Guy Rancourt




À Margarita Manso


Que voit-on briller là-bas
sur les balcons haut-perchés ?
Ferme la porte, mon fils,
j’entends onze heures sonner.
Dans mes yeux, sans le vouloir,
quatre lanternes reluisent.
Ce sont ces gens-là sans doute
en train d’astiquer les cuivres.

*

Gousse d’ail, métal mourant,
la lune qui décroît pose
une jaune chevelure
sur des tours de couleur jaune.
Toute tremblante, la nuit
frappe aux carreaux des fenêtres,
poursuivie par mille chiens
qui n’ont pu la reconnaître
et l’odeur du vin et d’ambre
venue des balcons pénètre.

*

Des vents de roseaux mouillés
et des bruits de voix vieillies,
résonnaient ensemble sous
l’arc brisé de la minuit.
Les bœufs dormaient et les roses.
Seules aux balcons alors
les quatre lueurs criaient
furieuses comme saint Georges.
Les femmes de la vallée
traînaient leur sang d’homme, tristes.
Sang calme de fleur coupée
et amer de jeune cuisse.
De vieilles femmes du fleuve
gémissaient au pied du mont
un instant infranchissable
de chevelures et noms.
La nuit est carrée et blanche
aux façades des maisons.
Des séraphins, des gitans
jouaient de l’accordéon.
Mère, quand je serai mort,
fais-le dire à ces messieurs,
préviens-les du Sud au Nord
par des télégrammes bleus.
Sept hurlements, sept saignées,
sept pavots à double sphère,
dans les salons ténébreux
d’opaques miroirs brisèrent.
Pleine de mains à couper,
de fleurettes en couronnes,
la mer de tous les serments
je ne sais où roule et sonne.
Et le ciel claquait les portes
au bruit du bois bousculé
lorsque criaient les lueurs
sur les balcons haut-perchés.

Traduction de Line Amselem

(Federico Garcia Lorca, Romancero Gitano, 1928)

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